12-16 Mai 1918

La dernière patrouille de l'UC 35

Torpillage des vapeurs PAX et TOGO

 

 

Dimanche 28 avril 1918

 

  En ce Dimanche après-midi de printemps, le sous-marin UC 35 commandé par l’Oberleutnant zur See  Hans Paul Korsch a pris la mer depuis sa base de Cattaro (aujourd’hui Kotor, Montenegro) à destination de la Méditerranée occidentale. Beau temps, mer belle. Son ordre de mission prévoit qu’il devra mouiller deux barrages de mines, l’un devant Cannes, l’autre devant Villefranche sur Mer, à la suite de quoi son Commandant a toute latitude pour pratiquer la guerre au commerce allié.

 

    Dans la nuit, le détroit d’Otrante est franchi sans encombres et le sous-marin met le cap au sud-ouest pour contourner la Sicile par le sud. De là, il remonte vers la côte française en longeant successivement la Sardaigne et la Corse.

 

   Le 5 Mai, les mines sont mouillées comme prévu et le sous-marin se consacre désormais à la chasse au commerce au large des côtes.

 

    Le 9 au large de St Tropez, le sous-marin envoie par le fond le vapeur italien Deipara de l’armement génois Bozzo Fils, un navire de 2282 tonnes qui fait route de Marseille vers son port d’attache. Huit marins trouvent la mort dans le naufrage.

 

   Puis le sous-marin UC 35 croise le long des côtes sans rencontrer une seule proie et ce jusqu’au 12 Mai dans les toutes premières heures de la matinée. Appareillé de Marseille la veille, un convoi comprenant les vapeurs Castore (italien, 1016 tonnes), Erissos (grec, 2885 tonnes), Pax (français, 798 tonnes) Togo (italien, 1484 tonnes) et Vosbergen (hollandais, 1437 tonnes) fait route vers Salonique escorté par les patrouilleurs auxilliaires Ailly, Louise Marguerite et Serpolet. Le convoi a été repéré en début de nuit par le sous-marin qui l’a pris en chasse. La mer est belle sous un ciel couvert et l’horizon légèrement embrumé. Silencieusement, UC 35 manœuvre pour se placer en position de tir ; le premier navire qui va passer à portée sera la cible de sa torpille. C’est le vapeur Pax.

 

    A 1h35 (0h35 heure allemande), tir d’une torpille. Coup au but !

      Dans le convoi il y a un moment de panique ; les vapeurs quittent la formation dans un mouvement de sauve qui peut général tandis que les patrouilleurs se lancent dans la direction approximative du sous-marin qui échappe facilement à ses poursuivants en plongeant.

  

   Deux heures ont passé. UC 35 qui a fait surface un peu après repère un cargo qui s’enfuit vers la côte pensant se mettre à l’abri. Il le prend en chasse et ce d’autant plus facilement que le vapeur est éclairé par le feu du cap Camarat à chaque fois que le pinceau lumineux passe dessus. Il lui faut près de deux heures pour se mettre en position de lancer une nouvelle torpille. La cible qui est le vapeur italien Togo navigue à présent tout près de la côte. A 3h30, la torpille quitte son tube et fait but quelques dizaines de secondes plus tard contre la coque du cargo qui s’enfonce rapidement. UC 35 remet alors le cap vers le large sans retrouver le convoi. Il ne rencontrera plus aucun autre navire ce jour là. La journée du 13 et celle du 14 n’apportent rien non plus.

 

   Le 15 enfin, un petit vapeur qui fait route isolément apparaît à l’horizon. Il s’agit de l’espagnol Villa de Soller en route de Barcelone sur Gènes. Le sous-marin met le cap sur lui, tire un coup de canon pour le faire stopper et envoie le signal d’abandonner le navire. L’équipage s’exécute mais en quittant son bord, le Capitaine espagnol Pedro fait une chute et se blesse gravement. Lorsque l’UC 35 s’approche de l’embarcation, il constate l’état sérieux du blessé qui a besoin de soins urgents. On a beau être en guerre, la solidarité des gens de mer n’est pas un vain mot alors le Commandant Korsch décide de le prendre à son bord afin qu’il puisse être soigné et il demande à un marin espagnol de venir également pour prendre soin de son Capitaine. Le matelot Redondo se porte volontaire et embarque à son tour dans le sous-marin. Cette opération achevée, le petit vapeur est coulé puis UC 35 prend la route du retour vers sa base de Cattaro, cap au sud.

Une video sur l'épave du Togo

 Le 16 vers 7h30 du matin, alors qu’il croise à quelques dizaines de milles au large de la côte occidentale de Sardaigne, les veilleurs de l’UC 35 aperçoivent un groupe de voiliers de pêche. Ordre est donné de les attaquer et bientôt le canon de 88mm ouvre le feu. Mais cette canonnade a été entendue par le patrouilleur Ailly, celui-là même qui quelques jours plus tôt escortait le Pax quand il fut coulé. Forçant l’allure, le patrouilleur arrive bientôt à portée d’artillerie et courageusement, ouvre le feu sur le sous-marin qui riposte. Après quelques coups de règlage, la bonne hausse est trouvée et l’obus suivant malgré la distance, touche l’UC 35 à la base du kiosque à l’emplacement même où les canonniers entreposent leurs obus durant les tirs.

  

  L’explosion est très violente et les dégats provoqués considérables : le kiosque est éventré et les circuits d’air à haute pression qui se trouvent là sont déchiquetés.

  

   Les derniers instants du sous-marins sont peu clairs, les témoignages des survivants diffèrent sur ce point. Il est impossible donc de confirmer si Korsch a donné l’ordre de plonger ou non. Toujours est-il que quelques instants plus tard, le sous-marin s’enfonce d’un coup et coule comme une pierre, projetant à la mer canonniers et veilleurs. Lorsque le remous de la disparition cesse, ils ne sont plus que 5 surnageant en surface accompagnés du matelot espagnol Redondo dont on ne sait pas par quel miracle il est parvenu à évacuer le bateau juste avant qu’il ne coule. Parmi eux, le mécanicien Sucker, gravement touché est soutenu par ses camarades. Le malheureux Capitaine espagnol Pedro que Korsch avait voulu protéger en le prenant à son bord disparaît avec le sous-marin, victime de la sollicitude de son adversaire.

  

   L’Ailly fait route rapidement sur les naufragés et les repêche puis met le cap sur Toulon. A l’exception du matelot espagnol, ils sont désormais prisonniers de guerre. Sucker dont l’état est particulièrement grave sera acheminé vers un hôpital de Marseille puis une fois rétabli, transféré en Angleterre dans un camp de prisonniers ; c’est là qu’il décèdera le 5 Novembre 1918, quelques jours avant la fin de la guerre. Le sous-marin UC 35 quant à lui repose au fond de la mer vers le point 39°48’N, 7°42’E par plus de 1000 mètres de profondeur avec dans ses flancs le Commandant Korsch et 24 de ses hommes désormais en patrouille éternelle.

 

Documents divers

 

Louise-Marguerite – Journal de navigation n° - /1918 – 23 mars / 14 mai 1918 : S.G.A. « Mémoire des hommes »,

Cote SS Y 333, p. num. 230 à 232 (Extraits de la colonne « Observations »)

 

 

                                                                                 Journée du 11 mai 1918 

 

   12 h 30 – Appareillé de Marseille pour Villefranche avec un convoi formé du vapeur Pax (F), Erissos (G), Togo (I), Vosbergen (...), Castore, escorté de la Louise-Marguerite, Ailly et Serpollet

    13 h 05 – Franchi les barrages. 

    13 h 10 – Stoppé pour attendre la formation du convoi. 

    13 h 10 – Jeanne-d’Arc à Louise-Marguerite : « Connaissez-vous le nom du vapeur français ? » Réponse : « Pax. » 

    13 h 35 – Remise en route avec convoi. 

    13 h 40 – Suivi le chenal de sécurité.  

     14 h 30 – Route au Sud 40 E. 

    17 h 50 – Louise-Marguerite au convoi : « T. V. G. Conservez la formation. » 

    19 h 40 – Par le travers de Sicié. 

    21 h 45 – Travers du Cap d’Armes. 

    24 h 00 – Vitesse moyenne de 20 h à 24 h (85 tours). 

 

                                                                              Journée du 12 mai 1918 

 

    0 h 05 – Par le travers de Titan. 

    1 h 35 – Le vapeur français Pax est torpillé à 300 m à bâbord avant. Mis nos embarcations à l’eau pour ramasser les survivants. Recueilli 15 hommes. 

    2 h 05 – Remis en marche. Avons croisé sur les lieux. Repris l’escorte. 

    5 h 00 – Louise-Marguerite au [Torpilleur] 360 : « Il manque le vapeur italien Togo. Trois mâts, une cheminée. Je pense qu’il a dû se réfugier sous (sic) terre. » 

    5 h 10 – Torpilleur 360 à Louise-Marguerite : « Le Pax est-il coulé ? » Réponse : « Il a coulé. J’ai des survivants à bord. » 

    5 h 15 – Torpilleur 360 à Louise-Marguerite : « J’ai vu un sillage suspect ce matin à la Garoupe. » 

    5 h 15 – Torpilleur 360 à Louise-Marguerite : « J’estime pour le moment utile de protéger la tête de votre convoi. » 

    6 h 20 – Louise-Marguerite répond : « Faites des zigzags sur l’avant de la route. » 

    6 h 30 – Louise-Marguerite à Ailly : « Répétez les signaux ; placez-vous à bâbord par le travers. Quand le

convoi sera chenal de sécurité à Villefranche, allez à la recherche du Togo qui doit avoir fait la route entière et ramenez-le à Villefranche. Transmettez cet ordre au Serpollet. » 

    9 h 10 – Louise-Marguerite à Ailly : « Avant de partir rechercher Togo, informez-vous près arraisonneur, si ce bâtiment n’est pas entré à Villefranche. » 

    9 h 20 – Franchi les passes de Villefranche. 

    9 h 25 – Mouillé sur rade de Villefranche. 

 

 

Rapport du Lieutenant Bessil, Officier de Quart

  

Je soussigné BESSIL, Marius, Capitaine au cabotage, 2d maître de manoeuvre temporaire, embarqué en qualité de Lieutenant sur le vapeur PAX de la Cie. des Affréteurs Réunis, affrété par le Transit Militaire Maritime, armés à Marseille sous le n°983, certifie ce qui suit :

Le 12 mai 1918, à 0 heure (Europe Occidentale Eté) avoir pris le quart faisant route au N72E du monde, dans les environs Sud-Est du feu de Titan (Iles du Levant). A 1h20 ordre est donné par le Capitaine de venir sur la gauche au N38E du monde ; route qui nous fait passer par des fonds supérieurs à 200 mètres ainsi qu'il est prescrit par les instructions.

Le ciel est couvert, la mer belle, une légère brise de Sud-Est règne, l'horizon est embrumé, le convoi est à peine visible sauf un bateau Italien qui se trouve entre  la terre et nous ; ce dernier éclairé par le feu de Camarat se distingue très bien et chaque fois que le faisceau  lumineux passe vers nous, il semble que nous sommes éclairés par un projecteur électrique.

A 1h55, je me trouve sur la passerelle Babord et entend distinctement deux sons brefs paraissant venir de Tribord avant. Après avoir passé à Tribord pour m'assurer et ne voyant rien, j'ordonne au timonier de venir sur la gauche et pour plus de sûreté instantanément je préviens le Capitaine qui sommeillait sur son canapé dans sa chambre située sur l'arrière de la chambre de veille.

Aussitôt rendu à Tribord le Capitaine ayant reconnu une torpille et après l'avoir prononcé à haute voix, commande aussitôt "Babord toute", commandement exécuté à la  lettre, mais quelques secondes s'écoulent à peine, un choc formidable se produit à Tribord avant et à quelques mètres sur l'AR de la hauteur du mât de misaine.

Renversé par le choc, aveuglé et noyé par la trombe d'eau, je m'efforce de gagner la chambre de veille pour donner la position approchée au Radiotélégraphiste, mais je ne trouve pas de lumière. Ressortant aussitôt j'entends le Capitaine qui donne l'ordre d'évacuer le navire ; à ce moment je me trouve sur le pont supérieur où je vais essayer aidé de quelques hommes, d'amener une embarcation.

Cependant le navire s'enfonce rapidement, quelques voix réclament des bouées de sauvetage, ce que je m'empresse de faire (il y en avait une quinzaine en suspens sur la passerelle). A partir de cet instant, j'ai donné une bouée de sauvetage au soutier sénégalais qui se trouvait auprès de moi et n'ai pas eu le temps de m'en capeler une que je me suis senti englouti avec le navire, entraîné par le remous.

Après quelques secondes d'angoisse et un effort surhumain, je parvins, à bout de souffle, à émerger et me cramponner sur les débris du radeau AV qui avait dû se briser lors de la chute du mât de misaine. Reposé quelques instants et voyant qu'un radeau intact chargé de plusieurs hommes se trouvait à une trentaine de mètres, j'abandonnais l'épave sur laquelle je me trouvais et me rendis sur ce radeau, épuisé de fatigue.  

Quelques minutes plus tard nous fûmes receuillis à bord du chalutier "LOUISE MARGUERITE" où les premiers soins nous furent donnés ; il était alors deux heures.

La veille était assurée comme suit ; deux hommes sur la passerelle : un à babord, l'autre à tribord ; un canonnier sur le gaillard AV, l'autre sur l'AR, au canon, et l'Officier de quart.

Sur trente hommes composant l'équipage, quinze ont pu être receuillis sur le chalutier "LOUISE MARGUERITE".

Au moment du tropillage, le chalutier qui nous a secourus se trouvait à environ 300 mètres et à deux ou trois quarts sur Tribord AR ; le navire Italien se trouvant à notre gauche était un peu sur l'AR babord à nous.

Du moment du choc au moment où le navire à complètement disparu, il s'est écoulé un maximum de deux minutes, ce qui explique que l'équipage surpris dans son sommeil n'a pas eu le temps matériel de faire le sauvetage.  

Arrivé à Villefranche à 8h30 du matin où nous avons débarqué deux hommes des survivants qui ont été dirigés immédiatement sur l'hopital, ces hommes étant blessés assez grièvement.

 

Fait à Villefranche, le 12 mai 1918.  

Le Lieutentant Officier de quart,  

Signé Bessil

Equipage du vapeur PAX

Sur 30 hommes à bord, 15 disparurent et 3 furent blessés. 

 

Disparus

Louis AUFFRET, capitaine, matricule 555 à Paimpol,  

Etienne RIBOUREL, chef mécanicien, matricule 1208 à Alger,  

Armand MORGAT, matelot, matricule 3452 au Croisic,  

Guillaume LE BOURHIS, matelot, matricule 2675 à Morlaix,  

Edouard LE CAR, chauffeur, matricule 5090 à Concarneau,  

Emile ORHAN, chauffeur, matricule 2655 à Binic,  

Antoine RAYMOND, chauffeur, matricule 1784 à Marseille,  

Kounda DIO, sujet indigène,  

Yves BODEUR, novice, matricule 23014 à Paimpol,  

Ylisse TELLIER, mousse, matricule 28425 à Marseille,  

Albert LARGER, radio TSF,  

Pierre GARRAT, AMBC, matriucle 64.965-5,  

Marius CHEVALLET, AMBC, matricule 65.998-5,  

Emile REYBAUD, AMBC, matricule 1435 au 5è dépôt,  

Arsène THOREL, AMBC, matricule 971 à Honfleur,  

 

Rescapés

Alcide FRESLON, 2d capitaine, matricule 255 à Cancale 

Marius BESSIL, lieutenant, matricule 45 à Cette 

Prosper ROBERT, 2d mécanicien, matricule 49.394-5 au 5è dépôt 

Georges LOIRET, 3è mécanicien, matricule 2315 à St Nazaire 

Toussaint BURLOT, maître d'équipage, matricule 2243 à Binic 

Gaetan STRINA, matelot, matricule 2220 à Cette 

Pierre BLOCH, matelot, matricule 2697 à Audierne 

Joseph SAUVAN, matelot, matricule 59.603-5 au 5è dépôt, blessé 

Eugène LE DORIOL, matelot, matricule 8725 

Yves EVEN, 1er chauffeur, matricule 2621 à Treguier, blessé 

Koné CIRE, sujet indigène, matricule 1607 à Dakar 

Joseph VAILINO, cuisinier, matricule 05487 à Marseille, blessé 

Marius ANDRE, QM canonnier, matricule 53.660 au 5è dépôt 

Joseph-A FRIOUS, matelot canonnier, matricule 1033 à Noirmoutier 

Pierre THEODEN, matelot canonnier, matricule 109.5032

 

Marins de l’Etat appartenant à l’AMBC (Armement Militaire des Bâtiments de Commerce)  disparus avec le cargo Pax.  

     

   ― CHEVALLET Marius Etienne Joseph, né le 3 janvier 1898 au Pin (Isère) et domicilié à Saint-Andr... 

(Isère), mort le 12 mai 1918 « à bord du vapeur Pax, disparu en mer », Matelot de 2e classe canonnier,

A.M.B.C. de Marseille, Matricule n° 65.998–5 (Jug. Trib. Marseille, 29 janv. 1919, transcrit à Marseille, le 1er

mars 1919).  

  

   ― GARAT Pierre, né le 12 décembre 1897 à Saint-Martin-de-Hinx (Landes) et y domicilié, mort le 12 mai

1918 « à bord du vapeur Pax, disparu avec son bâtiment », Matelot de 3e classe sans spécialité, A.M.B.C. de 

Marseille, Matricule n° 64.965–5 (– d° –).  

  

   ― LARGER Albert Joseph, né le 15 décembre 1897 à Auchan (Tonkin) et domicilié à Aix-en-Provence 

(Bouches-du-Rhône), mort le 12 mai 1918 « à bord du vapeur Pax, disparu avec son bâtiment », Apprenti-

marin radiotélégraphiste, A.M.B.C. de Marseille, Matricule n° 71.869–5    

  

   ― REYBAUD Émile Clément, né le 12 septembre 1900 à Pertuis (Vaucluse) et y domicilié, mort le 12 mai

1918 « à bord du chalutier Pax, disparu en mer », Matelot de 3e classe sans spécialité, A.M.B.C. de Marseille, 

Matricule n° 1.436–5 G. (Jug. Trib. Marseille, 14  déc. 1918, transcrit à Marseille, le 13 janv. 1919).  

  

   ― THOREL Arsène Julien, né le 1er août 1898 à Villerville (Calvados) et domicilié à Honfleur (Calvados), 

mort le 12 mai 1918 « à la mer, disparu dans le torpillage du s/s Pax », Matelot de 3e classe canonnier, 

A.M.B.C. de Toulon, Matricule n° 971 – Honfleur (Jug. Trib. Marseille, 29 janv. 1919, transcrit à Marseille, le

1er mars 1919)

 

Le chalutier armé AILLY

Chalutier construit en 1907 par les chantiers, J. Duthie, Torry S/B. C° à Aberdeen.
204 grt, 34,90 x 6,60 x 3,64 m, machine à triple expansion 430 cv, 11 noeuds.

1907 : En service à Aberdeen sous le nom de Riverdale (A.129)

1914 : Racheté par Bourdin & Denis Dieppe, renommé  “AILLY”. 

Réquisitioné du 03/02/1915 au 28/03/1919.


En 1930, appartient à la Nouvelle Société Dieppoise de Chalutiers.
Réquisitionné en 1939-1940. Perdu comme dragueur auxiliaire à La Rochelle en janvier 1943.

Le combat de l’Ailly contre UC 35, récit du P. Mtre Le Roux son Commandant. 

 " Appareillé de Carloforte (côte S.-O. de Sardaigne) le 15 mai 1918, à 4 heures du soir, avec les voiliers Gloria et Roi-René à la remorque. Calme plat. Le lendemain 16, à 6 heures du matin, le premier maître Caron, de quart sur la passerelle, aperçoit par tribord devant, à l'horizon, un point qui grossit à vue d'oeil. Ca ressemble à un grand voilier, mais il se méfie, croyant voir un peu de fumée. Il me fait prévenir. Au moment où je monte, j'entends rappeler aux postes de combat, et, en même temps, un coup de canon. L'obus tombe à bâbord de nous, assez près. C'était un sous-marin maquillé. Coupé la remorque, et ouvert le feu à 8.000 mètres, en manoeuvrant de façon à préserver l'avant. Le premier coup me paraît long. Je dis : - 7.000 mètres ! - Le but est couvert. Très bon feu continu. Le sous-marin ne cesse pas de nous présenter son travers. Belle cible, car il est grand.

   Aux trois premiers coups du sous-marin, nous sommes encadrés. Venu brusquement de trois quarts sur la gauche pour dérouter son tir ; il envoie encore trois coups, puis vire de bord et me représente son travers de l'autre bord. A ce moment, j'aperçois une grosse fumée sortant de son travers. Il ne tire plus, il pique de l'avant. A peine trente seconde après, il se redresse verticalement, les hélices en l'air, et disparaît. Sa position était : latitude 39° 50 N., longitude 7° 42 E. Il est 6 h. 25, le feu a été ouvert à 6 h. 17. Nous avons tiré trente-deux coups, le dernier à 5.000 mètres, la pièce de 47 arrière n'a jamais été dans le champ de tir

   Nous continuons la route sur l'endroit où l'ennemi a disparu, prêts à lancer des grenades, quand la vigie me signale des hommes sur l'eau. L'un d'eux passe le long du bord, et est ramassé au moyen d'une couronne de sauvetage sur laquelle est frappé un bout. Il nous dit qu'il est marin espagnol, et que le sous-marin est coulé. Près du remous se trouvent une quinzaine d'hommes ; je ne lance plus de grenades, sachant que le sous-marin a sombré. Armé le youyou, qui ramasse deux hommes. Je manoeuvre pour les autres, et nous en ramassons cinq, les autres ayant coulé.

   Aussitôt à bord, ils sont mis à nu et fouillés par le premier maître Caron. Un est grièvement blessé par des éclats d'obus, le deuxième mécanicien le panse. Je reste sur les lieux encore une demi-heure, et ne trouvant plus rien, je fais route sur les voiliers. J'accoste Gloria et j'y dépose le blessé et le marin espagnol, faute de place à mon bord. Les prisonniers questionnés me disent que le sous-marin est l'UC-35. J'ai envoyé un S.O.S. au début du combat, n'étant qu'à 45 milles de Carloforte, et croyant que les deux vedettes rapides qui s'y trouvent seraient venues à notre rencontre. Commandant, en cette belle circonstance, j'ai l'honneur de vous signaler la brillante conduite de mon merveilleux équipage, qui, presque tous, sont sous mes ordres depuis deux ans et demi. Cet équipage a toujours été un modèle de conduite et d'entrain. Quel plaisir que de commander de tels hommes ! Ils sont titulaires de cinq témoignages de satisfaction depuis que je suis à bord."

    
 in " Quatre années de guerre sous-marine ", Commandant Emile VEDEL  - Plon-Nourrit, Paris, 1919

 

UC 35

Sous-marin mouilleur de mines

Type UC II  sous-type C34-39

Construit au Chantier Blohm & Voss, Hambourg

Lancé le 6 Mai 1916  -  Entré en service le 2 Oct 1916

Caractéristiques

Dimensions : 

Longueur :  49.4m. 

Largeur :  5.2m

Creux :  3,7 m. 

 

Propulsion :

Diesel :  2 x 250 CV.

Electrique :  2 x 230 CV. 

Carburant :  41 + 15 tonnes.

 Déplacement, Vitesse, Autonomie (milles/nœuds)

Surface 417 tonnes, 11,6 nds, 9430 / 7

Plongée 493 tonnes, 7,0 nds, 55 / 4

Armement : 

Canon :  1x 88 mm. 

TLT Avant :  2 

TLT Arr. :  1

Torpilles :  7 x 500 mm.

Mines : 18 Type UC200

 

Equipage :  3 officiers, 23 marins.

 

Commandants successifs : 

2 Oct 1916 - 13 Jun 1917   Kaptlt Ernst von Voigt

14 Jun 1917 - 16 Mai 1918   Oblt z.S. Hans Paul Korsch

Affectation : Du 25 Dec 1916 au 16 Mai 1918 Mittelmeer II Flotille

Oblt z.S. Hans Paul KORSCH

Crew 4/09

 

5.4.1909          Entrée dans la Marine Impériale comme Elève Officier 

1914 – 4.15     Leutnant zur See à bord du cuirassé SMS Pommern

 2.5.1915         Promu au grade d’Oberleutnant zur See 

 5.15 – 11.15    Ecole de navigation sous-marine. Une patrouille sur le sous-marin  U 21

11.15 – 3.17    Officier de quart sur le sous-marin U 39 Flottille de la Méditerranée 

 4.1917             Cours de commandant 

 6.17 – 5.18      Commandant du sous-marin UC 35, 2e Flottille de la Méditerranée 

 16.5.1918        Décédé lors de la perte de son bâtiment

 

Palmarès personnel : 21 navires coulés pour un total de 41.850 tonnes

 

Les victimes de l'UC 35

 

A l'ouest de la Sardaigne, le lieu où a disparu UC 35

Sources : SHD Vincennes, Fonds SS G et  Der Handelskrieg mit U-Booten, vol.5 p.185, Konter Admiral Arno Spindler, Verlag E.S. Mittler & Sohn, Frankfurt, 1966