Un Canadien dans la tourmente

 

 

  

   Le destroyer canadien HMCS Athabaskan, Lt Cdr John Stubbs appareilla de Plymouth le 28 Avril 1944 dans la soirée en compagnie du destroyer HMCS Haida, Cdr Jack de Wolf. Ces deux  navires appartenant à la classe Tribal étaient des unités récentes puissamment armées et pourvues des meilleurs moyens de détection de l'époque. Le but de cette sortie était la couverture d'une opération de mouillage de mines menée par la 10e Flottille à une dizaine de nautiques dans le NE de l'île de Batz. En effet, au terme d'un violent engagement survenu deux nuits plus tôt, deux torpilleurs allemands s'étaient réfugiés à Saint Malo et ils pouvaient depuis ce port s'attaquer aux mouilleurs de mines. Peu avant 3 heures du matin, les deux destroyers canadiens étaient à leur poste, patrouillant à 16 noeuds d'est en ouest à une vingtaine de milles au large de Batz.

   Une première détection d'activité allemande eut lieu à 1 h 30 depuis le QG de Plymouth qui signala des navires en route cap à l'ouest à 20 noeuds entre Saint Malo et le phare des Roches Douvres. Une nouvelle détection à 2 h 58 faisait état de deux échos au NE de Morlaix. Il semblait donc évident qu'il s'agissait là des deux torpilleurs de Saint Malo. Ordre fut donné aux destroyers canadiens de se porter dans le sud-ouest afin d'intercepter ces navires. Il était alors 3 h 07.

   Les navires allemands détectés étaient en effet ceux de Saint Malo, les torpilleurs T-24, Kplt Wilhelm Meentzen et T-27, Kplt Gotzmann, deux unités récentes et rapides de la classe Elbing appartenant à la 4-TF basée à Brest. Ces deux navires endommagés lors du combat précédent faisaient route vers Brest afin de s'y faire réparer.

   Vers 4 heures, Athabaskan obtint le premier contact radar au gisement 133 pour 14 nautiques, écho confirmé peu après par Haida. Le cap fut modifié de façon à conserver les deux navires adverses à 45 degrés par bâbord avant et à 4 h 12, la distance étant tombée à 7300 yards, Haida ouvrait le feu avec un tir d'éclairants qui illumina parfaitement les torpilleurs alors au gisement 115. Les deux canadiens commençaient aussitôt un tir nourri dans leur direction tandis que les Allemands viraient cap au sud en tirant chacun une gerbe de torpilles et cherchant à se cacher derrière un écran de fumigènes. Les Canadiens virèrent alors de 30 degrés pour présenter une moindre surface aux torpilles mais l'une d'elles toucha malgré tout l'arrière d'Athabaskan, déclenchant un violent icendie. Perdant de la vitesse et embardant sur bâbord, le destroyer stoppa sans erre, et cessa le feu, dérivant au gré du courant. Haida dans le même temps tentait de protéger son compagnon derrière un écran de fumée tout en continuant un feu soutenu avec son artillerie. Le premier coup au but fut enregistré à 4 h 18 et à ce moment là, les torpilleurs allemands se séparèrent. Le T-24 qui venait d'encaisser les coups se dégagea vers l'est tandis que le T-27 toujours poursuivi par Haida se jetait en feu à la côte.

   A bord d'Athabaskan, la situation était critique mais on pensait encore pouvoir sauver le navire dont la poupe commençait pourtant à se détacher. C'est alors qu'à 4 h 27 une terrifiante explosion secoua le destroyer qui cette fois s'enfonça par l'arrière et sombra en 4 minutes, ne laissant plus en surface que quelques dizaines d'hommes qui se débattaient dans le mazout perdu par le navire. L'examen a posteriori des journaux de bord des deux antagonistes laisse à penser que cette explosion fut causée par l'explosion de la soute à munitions arrière du destroyer.

   A 4 h 37, Haida décrochait, laissant derrière lui le T-27 échoué et ravagé par le feu pour revenir vers le lieu où avait disparu son compagnon. Jusqu'à 4 h 50, il demeurait au milieu d'un groupe de rescapés, sauvant 42 blessés mais face au danger de la proximité de la côte et de l'aube naissante, il devait se résoudre à abandonner les autres survivants dont le Cdr Stubbs qui refusa d'être sauvé avant ses hommes. Laissant derrière lui sa vedette pour continuer le sauvetage, il mettait alors le cap sur Plymouth.

   Après le lever du jour, le T-24 revenant sur les lieux en compagnie de deux dragueurs sauvait alors les derniers rescapés au nombre de 68 qui furent fait prisonniers. La vedette du Haida placée sous le commandement du Quartier Maître William Mac Lure, parvint à s'enfuir à temps malgré sa prise en chasse par un dragueur et fit terre à Penzance après 19 heures de traversée, avec à son bord 6 rescapés de plus. Sur un équipage total de 16 officiers et 245 hommes, 10 officiers dont le Commandant Stubbs et 118 hommes trouvèrent la mort dans la perte d'Athabaskan. L'épave se trouve au point 48°42.940N  04°31.485W.

Retrouvez le récit de la dernière mission dans un extrait de "1850-1950, Cent ans d'histoires de mer dans la Manche" © Yves DUFEIL, 1975 

 

Toute l'histoire de l'Athabaskan dans ce livre largement illustré. Disponible sur Amazon.com

A voir également, le blog de Pierre Lagacé dédié à l'Athabaskan. Vaut le détour !

Dessinée par Olivier Brichet, cette vue du site de l'épave de nos jours.