ABORDAGE  DANS  LE  DETROIT DE CALAIS

 

 

 

 

CARACTERISTIQUES  PRINCIPALES


Sous-marin de défense côtière lancé à Cherbourg en 1905

En service le 5 octobre 1908

Longueur 51 m 20  -  Largeur 5 m - Tirant d'eau 3 m

Propulsion en surface , vapeur 2 x 360 CV, en plongée, électrique 2 x 200 CV

Vitesse  en surface 12 noeuds, en plongée 7.5 noeuds

Déplacement en surface 398 t., en plongée  550 t.

Autonomie 2000 NM en surface

7 torpilles de 457 mm

Equipage normal : 2 officiers, 22 hommes

 

    L'accident

  26 mai 1910, 13 heures 45. Deux sous-marins de la même série, Pluviôse et Ventôse se livrent à des exercices de plongée au large de leur base de Calais. A bord du Pluviôse se trouve le Capitaine de Frégate Prat, nouveau Commandant de la base sous-marine de Calais qui a pris place à bord pour assister aux exercices de torpillage. Au cours de l'exercice, le sous-marin Pluviôse commence à faire surface lorsque le paquebot Pas-de-Calais qui vient d'appareiller vers Douvres l’aborde à l’arrière et de son étrave, défonce les caisses à eau et les réservoirs contenant le naphte qui est utilisé comme combustible dans la machine à vapeur.

   Dans la coque éventrée, l’eau s’engouffre très rapidement, faisant basculer le submersible qui s'enfonce par l'arrière. Le commandant Salomon en charge du paquebot, fait aussitôt mettre une baleinière à l'eau pour passer une aussière sous le sous-marin afin de le maintenir en surface et on tente d'entrer en contact avec l'équipage mais ces appels restent vains, il n'y a aucun signe de vie à l’intérieur. Soudain le submersible s’enfonce rapidement dans l’eau et disparaît dans les profondeurs. Très vite, les secours s’organisent, remorqueurs et navires d'assistance arrivent sur les lieux. Un scaphandrier descend, et donne des coups sur la coque. Aucune réponse... Il faut désormais se rendre à l'évidence, il n'y a plus aucun survivant à bord.

Ci-dessous, le journal L'Illustration publie une photo prise par un passager du Pas-de-Calais alors que l'avant du Pluviose émerge encore. On voit également la baleinière du paquebot qui s'approche.

Rapport de mer du Capitaine Salomon, commandant la malle Pas de Calais

   Le jeudi 26 mai, apapreillé de Calais à 1h36 avec 289 passagers, malle, 269 paniers postaux, bagages, messageries. Vent du NE force 5, mer houleuse.

   A 1h 48, je vois en même temps que Simon Imbert, l'un des hommes de quart au bossoir, à environ 20 mètres devant l'étrave, un espar vertical s'élevant approximativement d'un mètre au-dessus de l'eau. Imbert me signale :"Un mât de bouée de filet droit devant !", cependant qu'ayant reconnu le périscope d'un sous-marin, je fais à droite toute, en arrière toute, environ 3 secondes avant qu'un choc se produise. Cette collision s'est produite après que nous ayions parcouru sur la direction du  N 67 O vrai, du bout des jetées de Calais, une distance de deux milles, déduite du nombre de tours de machine.

   Des débris de bois montent à la surface et me font d'abord supposer que j'avais abordé une épave. Etant stoppé, je fais examiner par le second mon gouvernail avant avarié et visiter les roues, lorsque quatre à cinq minutes après le choc, émerge à environ 500 mètres sur notre arrière, l'avant d'un submersible. Je fais arrière et m'en approche aussi vite que me le permet mon gouvernail avarié ; j'amène un canot au moment propice et manoeuvre pour rester à proximité dans l'espoir d'y frapper une aussière. Je fais hisser un signal d'appel des remorqueurs. Cependant, notre canot accoste le submersible ; il n'a pas le temps d'y amarrer son cablot, le submersible coule subitement. Tout juste notre maître d'équipage a-t-il pu frapper quelques coups d'appel restés sans réponse. L'avant du navire naufragé a émergé pendant 8 à 10 minutes.

   Je fais aussitôt prendre des relèvements pour déterminer le mieux possible la position de l'épave. Les remorqueurs demandés par signaux arrivent avec le canot dee sauvetage. Ma présence étant désormais inutile, je rentre à Calais où j'accoste à l'appontement n° 3 à 2h31.

   Transbordé malles et passagers sur le deuxième service. Entré en cale sèche le soir même et assèché le lendemain matin 27 mai à 8 heures. Nous constatons d'une façon sommaire alors les avaries suivantes : drosses cassées ; mèche du safran du gouvernail avant tordue ; brion cassé ; safran du gouvernail avant tordu ; tôle de bordé à bâbord déviée.

Renflouement du sous-marin

   Le renflouement du submersible, va être effectué avec du matériel venu de Cherbourg et grâce à la gabare La Girafe qui tentera d’élinguer le sous-marin à l’aide de huit chaînes, mais au bout de huit jours une chaîne seulement a pu être installée. Ce travail pénible est alors confié au garde-côtes cuirassé Bouvines qui, doté d’un matériel adéquat, arrivera non sans mal à bout de ces travaux. Le 5 juin alors qu’on commence à espérer le renflouement du sous-marin, une voie d’eau sur une ferrure renvoie le Pluviôse au fond de l’océan. Une grande partie du travail est à refaire. Ce n'est que le 10 juin que l’épave d'abord soulevée du fond puis tirée par les remorqueurs, Mouflon, Nord et Calaisien, entre finalement au port de Calais après de multiples péripéties. Là, le sous-marin est posé au fond du port en un point où ses superstructures affleurent à marée basse.

   Le 19 juin, le médecin-major Henry Savidan, muni d’une combinaison et d’un masque, aidé par des marins du Ventôse, va enfin extraire un par un les cadavres du sous-marin, et participer à leur identification. Cet acte de  courage lui vaudra d'être fait Chevalier de la Légion d'honneur le jour des funérailles nationales des victimes, par le président de la République Armand Fallières lui-même.

   L'examen des victimes révèlera que l’équipage n’a pas survécu plus de dix minutes à l'engloutissement de son bateau. Toutes les montres étaient arrêtées à 14 h 10.

    

   

   
Funérailles solennelles  

   Le 22 juin ont lieu les funérailles solenenlles de l'équipage en présence du Président de la République, Armand Fallières, d'Aristide Briand, Prmier Ministre et de l'Amiral Boué de Lapeyrère, ministre de la Marine. Les cercueils sont réunis dans la salle des Pas-Perdus à l'Hôtel de Ville puis puis chargés sur des affûts de canon pour être conduits en procession jusqu'à l'Eglise Notre Dame. Plusieurs centaines de soldats en armes forment une haie d'honneur entre la Mairie et l'église, au nombre desquels se trouve un jeune officier dont l'Histoire retiendra le nom : Charles de Gaulle. Après une messe de Requiem, la procession repart en direction du port où a été dressée une chapelle ardente à proximité de l'épave du malheureux sous-marin. Après la cérémonie et les discours des autorités, les cercueils de l'équipage sont alors transférés vers la gare d'où ils seront transportés en direction des cimetières respectifs de leur terre natale.

 
   
 

    EQUIPAGE du PLUVIOSE au 26 Mai 1910

  • Capitaine de frégate Ernest Prat, Commandant la base des sous-marins de Calais. Célibataire,  de Castres.

  • Lieutenant de vaisseau Maurice Callot, Commandant. Marié, 2 enfants,  de Paris.

  • Enseigne de vaisseau Pierre ENGEL, Officier en second. Célibataire,  de Mulhouse

  • Premier-maître torpilleur Jules FONTAINE. Marié, 2 enfants,  de Granville

  • Second-maître Alexandre LE PRUNENNEC, patron-pilote. Marié,  de Cherbourg

  • Quartier-maître torpilleur Pierre LEMOINE. Marié, 1 enfant,  de Pleurtuit.

  • Quartier-maître torpilleur Hilaire HUET. Marié, 2 enfants,  de Barbeville.

  • Quartier-maître de timonerie Pierre LE BRETON. Marié,  de Plouha.

  • Quartier-maître de manœuvre Roland LE MOAL. Célibataire,  de l'Hôpital-Camfrout

  • Quartier-maître de timonerie Claude-Joseph LE FLOCH. Célibataire,  de Plonéis

  • Quartier-maître torpilleur Pierre-Louis LE FLOCH. Célibataire,  de Plouharnel

  • Quartier-maître torpilleur Prosper LIOT. Célibataire,  de Bricqueville-sur-Mer.

  • Matelot torpilleur Joseph BATARD. Célibataire,  de Lantic.

  • Matelot torpilleur Adrien GAUTIER. Célibataire,  de Saint-Brieuc.

  • Second-maître mécanicien Jean-Louis MOREN. Marié, 2 enfants. du Faouët

  • Second-maître mécanicien torpilleur Albert GRAS. Marié,  de Cherbourg.

  • Quartier-maître mécanicien Abel HENRY. Marié, 1 enfant,  de Calais.

  • Quartier-maître mécanicien Yves APPERE. Marié, 2 enfants,  de Brest.

  • Q. Maître mécanicien torp. Joseph-Marie SCOLLAN. Marié, 2 enfants,  de Brest.

  • Q. Maître mécanicien torp.Marcel BRESILLON. Célibataire,  de Conflans-sur-Seine

  • Quartier-maître mécanicien Louis GAUCHET. Marié, 1 enfant,  de Montgivray.

  • Second-maître mécanicien Jean-Joseph MOULIN. Célibataire,  de Saint-Maurice

  • Quartier-maître mécanicien torpilleur Georges WARIN. Célibataire,  de Paris.

  • Quartier-maître mécanicien Henri CHANDAT. Célibataire,  de Saligny-sur-Roudon

  • Quartier-maître mécanicien torpilleur Auguste DELPIERRE. Célibataire,  de Calais

  • Quartier-maître mécanicien torpilleur François MANAC'H. Célibataire,  du Tréhou

  • Matelot cuisinier Alfred CARBON. Célibataire,  du Havre.

 

 

C.F. Prat L.V. Callot E.V. Engel

 

P.Mtre Torp. Fontaine S.Mtre Pilote Le Prunennec S.Mtre Mecan. Gras S.Mtre Mecan. Moren

 

    

Clichés extraits du journal L'Illustration

 

Liens et bibliographie

Un site dédié à la ville de Calais en général avec une section consacrée au Pluviôse

Ce livre de Magali Domain est en vente chez Amazon (cliquer sur l'image)