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			| Mai 1917 |  
			| Lu | Ma | Me | Je | Ve | Sa | Di |  
			|  | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 |  
			| 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 |  
			| 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 |  
			| 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 |  
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						Le cargo MEUSE 
						
						  
						
						Construit par Sunderland 
						Ship Building Co, South Dock, Grande-Bretagne.  Commencé : 1914
 Mis à flot : 20.10.1914
 Terminé : 11.1914
 En service : 12.1914
 Caractéristiques : 4 075 t ; 1480 cv : 114,3 x 15,9 m ; 
						Machine à vapeur alternative à triple expansion.
 
						
						lancé sous le nom de
						Sunland 
						pour le compte de Fred Drughorn, Ltd, London qui le cède 
						en
						Déc. 1914 à la Compagnie de Navigation 
						d’Orbigny de La Rochelle laquelle le renomme 
						Meuse. 
						
						  
						
						Le 14 Mai 1917, 
						Meuse effectue une traversée New York – Le Havre 
						avec 6800 tonnes de fret divers dont 2000 tonnes de fer. 
						Il est commandé par le Capitaine au Long-Cours Charles 
						Boivin un vétéran de la voile. A 22 heures 10, heure du bord, il est atteint 
						par une première torpille lancée par le sous-marin U 
						48 puis par une seconde 30 minutes plus tard.   
						
						 | 
						 |  
			    
			
			          
			Dans l’ouvrage de l’Amiral Spindler (Der Handelskrieg mit 
			U-Booten), le résumé de cette patrouille du 6 au 29 Mai au cours 
			de laquelle Meuse a été coulé (vol. IV p.88)     U 48,  Kptlt  Edeling du 6 au 
			29.5.1917 
			   De Emden par les Orcades vers ouest 
			et sud Irlande puis les Scilly. Retour par les Shetland. Emden 
			
			 6.5       
			Appareillage d'Emden 
			
			 12.5    Ouest Irlande, vapeur 
			armé anglais San Onofre, 9717 t., coulé par une torpille 
			lancée en plongée. 
			
			 13.5    A l’ouest de la pointe S 
			de l’Irlande, coulé le vapeur anglais Jessmore, 3911 t., par 
			une torpille lancée en plongée. 
			
			 14.5    Dans le même secteur par 
			environ 51°27’N, 15°21’W, engagement au canon avec le bateau-piège 
			anglais Carrigan Head, interrompu par le sous-marin en 
			raisonde sa puissance de feu inférieure. 
			
			 15.5    Tôt dans la nuit, vapeur 
			armé français Meuse, 4075 t.coulé par torpilles lancées en 
			surface. 
			
			 17.5    Trois-mâts barque russe 
			Margareta, 1873 t., stoppé et coulé 
			
			 21.5    Au Sud du Fastnet, 
			trois-mâts barque russe Lynton, 2531 t. et trois-mâts barque 
			norvégien Madura, 1023 t., stoppés et coulés. Route de retour 
			suite à une fuite de gazole. 
			
			 29.5    
			Retour à Emden 
			   
			  
			
			Journal d’opérations de l’U 
			48 (Kriegstagebuch) 14-15 mai 1917 
			 
				
					
						| 
						
						Vent NxW force 1 Mer 
						force 1 
						
						Ciel en partie couvert. 
						Brumeux 
						
						  
						
						Après le coucher du 
						soleil nous nous sommes rapprochés peu à peu pour une 
						attaque de nuit. 
						
						Lorsque la nuit fut 
						tombée, fait route en surface pour me placer en avant de 
						lui en utilisant les moteurs électriques car dans cette 
						nuit particulièrement calme, on aurait pu entendre les 
						diésels. Le vapeur était difficile à repérer sur le fond 
						sombre des nuages. Nous sommes venus rondement sur 
						l’avant de sa route et nous avons viré pour un tir avec 
						le tube de poupe. 
						
						Lancement par le tube V 
						( Torpille C 45/91 S.A.V, immersion 2 m. Distance 400 
						m). 
						
						  
						
						Coup au but tout à fait 
						à l’avant. Le vapeur émet un signal SOS en direction de 
						Queenstown et donne son nom. Vapeur français Meuse 
						de La Rochelle, Lloyds Register M.1096, 4075 tonnes. 
						
						  
						
						Il s'arrête, met un 
						canot à la mer et s’enfonce un peu par l’avant mais 
						semble capable de rester à flot, puisqu’il se trouve 
						dans la même situation 30 minutes après avec une grande 
						partie de l'équipage à bord …(redoutant)… qu'il 
						m'échappe dans l'obscurité avec ses machines encore 
						intactes ou qu’il soit aperçu par des escorteurs, 
						lancement d’une seconde torpille. Tir avec le tube 
						d’étrave III. (Torpille C/03 immersion 2 mètres) 
						
						Coup au but en plein 
						milieu du vapeur qui se casse en deux et coule en 
						quelques secondes avec la proue et la poupe fortement 
						inclinées. 
						
						  
						
						Cap au 180 
						
						Cap au 135 
						
						  
						
						Etant donné que la nuit 
						précédente n’a pas été fructueuse dans le nord, je 
						descends plus dans le sud aujourd’hui. 
						  
						
						                                                                      
						
						Signé : Edeling   
						
						 |  |  
			  
			  
			
			Enquête sur les circonstances de la 
			perte de Meuse - Extraits du dossier SS G  40 / 4998 SHD Vincennes 
			
			  
			
			A chaque fois qu’un navire était 
			attaqué par un sous-marin, il était établi par les Marines Alliées 
			un rapport complèté par un Officier enquêteur en cas de perte du 
			navire. Ci-dessous, l’essentiel de ce que contient le dossier 
			
			Meuse. 
			Le dossier complet est consultable au Service Historique de la 
			Défense au fort de Vincennes. 
			
			  
			
			Récit du naufrage fait par l’officier 
			enquêteur
			
 « 14 Mai 1917. Le vapeur MEUSE faisait route au 065 vrai et 
			venait de faire son point à 15h00 qui le situait à 51°15N et 16°00 
			W. C’est alors qu’il reçoit un message d’un vapeur engagé par un 
			sous-marin et qui demande du secours. Presque aussitôt, il aperçoit 
			un grand vapeur qui va jouer un rôle important dans la suite des 
			évènements.
 
 Il convient de noter que le télégraphiste Leroy prévient aussitôt le 
			capitaine que ce vapeur ne peut être celui qui demande du secours. 
			L’émission hertzienne accuse en effet une distance d’au moins 50 
			milles alors que ce navire est tout proche. De plus, quand les deux 
			navires ne sont plus qu’à 1800 m de distance, sa silhouette paraît 
			fort suspecte. Toiles masquant spardeck, dunette et gaillard. Canons 
			de gros calibre de chaque bord, sous la passerelle, aperçus après 
			son tir, alors qu’il remettait les toiles en place.
 
 Pourtant, sans aucune méfiance, le capitaine Boivin fit route sur le 
			vapeur qui tirait des coups de canon sur un objectif difficile à 
			identifier. Sur le MEUSE, on était aux postes de combat, 
			cherchant le sous-marin.
 Le capitaine crût voir le périscope et fit ouvrir le feu avec la 
			pièce de 90 mm avant sur un objectif situé à 500 m sur bâbord. Puis 
			il changea d’objectif et fit tirer sur le point que semblait viser 
			le vapeur. Il s’agissait en l’espèce d’une épave de carcasse de 
			navire. Il fit cesser le feu en s’apercevant de la méprise. 
			L’objectif était un morceau de bois flottant.
 
 MEUSE était alors à 1500 m du vapeur suspect et l’échange des 
			signaux suivants eût lieu entre les deux navires entre 17h00 et 
			18h30 :
 
 Vapeur :
 - J’ai une voie d’eau
 - Suivez-moi
 - Quelle est votre nationalité ?
 MEUSE Hisse ses couleurs et le numéro du code
 - Quelle est votre nationalité ?
 Vapeur ne répond pas à la question sur la nationalité
 - Faites route au nord
 - Reprenez votre cap quand vous serez par 52°00 nord
 
 Puis le vapeur vint sur tribord et s’éloigna dans l’ouest, vers un 
			navire qu’on apercevait à l’horizon à environ 9 milles. Bien que ces 
			signaux soient pour le moins bizarres, l’ordre impératif de faire 
			route au nord fait penser au capitaine Boivin qu’il s’agit d’un 
			patrouilleur anglais et il obéit.
 A 22h10, il arrive au point 52° nord et s’apprête à reprendre sa 
			route au NNE lorsqu’une torpille le frappe à tribord. Elle provient 
			d’un sous-marin que nous appellerons SM 1.
 Le canonnier Le Bigot, de faction au 90 avant voit nettement le 
			sillage blanchâtre de la torpille. L’explosion est très violente. Le 
			canon est renversé, mais le canonnier a la chance de ne pas être 
			blessé, bien que projeté au loin. MEUSE apique rapidement de 
			l’avant. Le capitaine ordonne aussitôt l’abandon.
 
 Les deux baleinières sont mises à l’eau.
 Dans le canot tribord se trouve le lieutenant Boucard, mais il 
			manque l’effectif réglementaire et notamment le capitaine, le chef 
			mécanicien et le garçon. En revanche, deux hommes ne faisant par 
			partie de l’armement s’y trouvent, le chauffeur Fatou et le 
			cuisinier Clotilde. La bosse est pourtant coupée et MEUSE, 
			ayant un peu d’erre, s’éloigne du canot. C’est alors que le 3e 
			mécanicien, qui remonte de la machine après avoir fermé les 
			registres, se jette à la mer, nage jusqu’au canot et est récupéré. 
			Il y a en tout 21 hommes à bord de cette baleinière.
 
 A ce moment, depuis la passerelle le capitaine crie à l’embarcation 
			bâbord, qui est restée accostée le long du bord : « Ralliez, la 
			MEUSE ne coule pas »
 L’embarcation tribord, du lieutenant Boucard, est à environ 400 m 
			sur l’arrière quand elle voit soudain surgir un sous-marin entre 
			elle et MEUSE, que nous appellerons SM 2. Il fait une 
			évolution conforme au croquis ci-joint (nota : croquis manquant, 
			mais l’évolution le fait venir sur tribord du cargo)et lance une 
			torpille. Les hommes dans le canot entendent une double explosion 
			suivie d’une colonne de vapeur qui s’élève (nota : la 2e explosion 
			doit être celle des chaudières) Tandis que le sous-marin n°2 lançait 
			sa torpille par Td, les hommes voient aussi un autre sous-marin 
			passer en demi-plongée sur l’avant du MEUSE. Deux sous-marins 
			ont donc été vus simultanément. Il semblerait que ce soit le n° 1 
			qui ait lancé la 1ère torpille. Le n° 1 était de couleur grise, le 
			n° 2 plutôt brun-rouge.
 Mr. Boucard est le seul à voir nettement le navire disparaître, car 
			la nuit tombe complètement. Des cris de détresse sont entendus, mais 
			ne voyant rien, le canot met cap à l’Est.
 Après la 2e explosion, le sous-marin n°2 a fait surface puis s’est 
			éloigné dans la nuit, d’autant plus rapidement qu’un grain a 
			accentué l’obscurité.
 
 23h00. Brise fraîche de SE. La baleinière hisse la voile et gouverne 
			au plus près au NE.
 
 - 15/05 Parcouru 130 milles
 - 16/05 Parcouru   36 milles  Vent tournant au NE. Changé d’amures.
 - 17/05 Parcouru   74 milles
 - 18/05 Parcouru   70 milles
 - 19/05 Parcouru   46 milles
 - 20/05 Parcouru   70 milles
 - 21/05 Parcouru  110 milles
 - 22/05 Parcouru    50 milles  soit un total d’environ  586 milles
 
 Le 16 vers 16h00, aperçu des débris flottants et des cadavres. L’un 
			d’eux portait une casquette plate et des vêtements noirs, comme ceux 
			que portent les marins anglais ou norvégiens. La mer grosse n’a pas 
			permis de pousser plus loin les investigations.
 Dans les intervalles de calme, les hommes ont progressé à l’aviron.
 A son départ du bord, l’embarcation avait 300 galettes de biscuit et 
			5 boites d’endaubage de 5 kg chacune. Il a donc fallu rationner ces 
			vivres. La ration a été d’un demi biscuit et d’un demi quart d’eau 
			par homme et par jour. Les hommes ont eu à souffrir énormément de la 
			faim et de la soif pendant huit jours consécutifs en mer. Plusieurs 
			d’entre eux furent contraints de boire de l’eau de mer et même leur 
			urine.
 Le lieutenant Boucard et le matelot Lorec ont tenu la barre 
			alternativement 12 heures par jour chacun.
 
 Le 22 Mai à 19h00, l’embarcation a fait côte à Glenlough (Irlande). 
			Les naufragés se sont réfugiés dans une ferme au sommet de la 
			falaise où ils ont passé la nuit. Presque tous avaient les pieds 
			gelés. Les autorités, prévenues, sont venues les chercher au matin 
			et les ont conduits en voiture à Killybegs où ils furent soignés à 
			la mission protestante de William Goodall, qu’il conviendrait de 
			remercier. Le premier rapport du lieutenant Boucard a été fait au 
			représentant de l’Amirauté à Killybegs. »
 
 
			
			 
			
			Cette côte rocheuse du Donegal, d’une beauté 
			sauvage, est battue par la houle de l’Atlantique et les vagues s’y 
			brisent avec violence. L’abord en est particulièrement difficile. 
			C'est sur cette même côte qu'en Août 1588 firent naufrage nombre de 
			vaisseaux de l’Invincible Armada..
 
 
 
			 Les 
			parages de Glenlough où le canot du Lieutenant Boucard a fait terre. 
			Si la mer avait été mauvaise ce jour là, ils n’auraient eu guère de 
			chances d’en réchapper.   
			
			Conclusions de la commission d’enquête 
			et responsabilités
			
 Ce rapport laisse les enquêteurs extrêmement perplexes car c’est de 
			toute évidence la première fois que l’on assiste à un tel 
			torpillage. Il semblerait qu’un navire ait servi de « rabatteur », 
			envoyant le cargo vers un piège mortel…
 
 Le capitaine Boivin
 
 Le capitaine ayant disparu, il est difficile de comprendre pourquoi 
			il a obéi comme il l’a fait aux ordres d’un bateau suspect. 
			L’officier mécanicien Le Douarec déclare que le radiotélégraphiste a 
			été très affirmatif : le radio reçu vers 15h00 n’émanait sûrement 
			pas du navire suspect à cause de la distance à laquelle il se 
			trouvait. Il avait conçu des doutes sur la nationalité de ce vapeur. 
			Les signaux étaient vraiment bizarres, la manœuvre peu franche, 
			difficilement explicable. La plupart des hommes de la baleinière 
			avaient aussi des doutes.
 Quoi qu’il en soit, comme il n’était pas prouvé que ce navire fut un 
			corsaire, le capitaine est en partie excusable de lui avoir obéi.
 Mais il ne devait pas régner une discipline très stricte à bord du
			MEUSE. Les survivants sont unanimes à déclarer qu’après 
			l’explosion de la première torpille, l’ordre donné par le capitaine 
			ne fut pas « Postes d’abandon », mais « Sauve qui peut » qui n’est 
			pas l’ordre donné régulièrement. (Cela explique un certain désordre 
			dans les canots).
 
 Le lieutenant Boucard
 
 Mr. Boucard s’est rendu nettement fautif en ne cherchant pas à 
			retrouver sur les lieux des survivants. Quand la bosse fut coupée, 
			tous les mouvements effectués ont tendu a écarter le canot du lieu 
			du sinistre. La faute est d’autant plus nette que manquaient trois 
			hommes de l’armement réglementaire, à savoir capitaine, chef 
			mécanicien et garçon. Le devoir de Mr Boucard eût été d’attendre 
			l’aube sur place pour rechercher des survivants s’il y en avait eu.
 
 Mr Boucard a commis une autre faute au point de vue navigation. Il 
			s’est toujours tenu cap au nord de la route fréquentée par les 
			navires. Le courant portant au nord a accentué cette manœuvre au 
			point qu’il s’en est fallu de peu qu’il ne manque l’Irlande, ce qui 
			eût été la perte certaine de ses passagers. Il a l’excuse de vents 
			variables qui l’ont gêné, mais quand on lui demande « Quelle route 
			auriez-vous suivie s’il y avait eu des vents d’ouest ?", il répond 
			invariablement ENE, invoquant comme raison qu’il ne voulait pas 
			rencontrer un autre sous-marin. Il a totalement manqué de jugement 
			préférant naviguer dans une zone où il était sûr de ne rencontrer 
			aucun navire au risque, bien improbable, de voir une embarcation de 
			sauvetage chargée de naufragés être attaquée par un sous-marin.
 
 En revanche, la conduite de Mr Boucard est digne d’éloge en tous 
			points à partir du moment où il a eu à lutter contre l’élément 
			marin, à maintenir le moral de son équipage, à organiser un 
			rationnement avec beaucoup de clairvoyance. En somme, se trouvant 
			dans un très mauvais cas, il s’en est tiré de façon heureuse.
 
 Quoi qu’il en soit, la commission estime que Mr Boucard mérite un 
			blâme sévère pour n’avoir pas cherché par tous les moyens possibles 
			à secourir ses compagnons engloutis et pour n’avoir pas rallié la 
			route fréquentée.
 
			
			  
			
			
			Remarques du webmaster : Contrairement à ce que pensent avoir vu les 
			rescapés, il n'y a eu qu'un seul sous-marin engagé dans cette 
			action. Les jugements portés sur les hommes sont le reflet de 
			l'opinion de l'officier enquêteur.   
			
			Les heures précédant le 
			torpillage de Meuse
 Nous savons à présent que dans les 
			heures précédant son torpillage, Meuse a connu un engagement 
			au canon avec un sous-marin en compagnie d’un autre vapeur, celui 
			justement qualifié de suspect dans le compte rendu d’enquête 
			ci-dessus.
 
			
			La recherche dans les archives de 
			la guerre sous-marine a permis depuis d’identifier l’étrange navire. 
			Il s’agit en fait de l’anglais Carrigan Head, un bateau-piège 
			(Q-Ship en anglais). Avant de poursuivre, il faut préciser ce 
			qu’étaient ces Q-Ships. Face à la menace que représentait les 
			sous-marins allemands et compte tenu du fait que pour respecter les 
			règles d’arraisonnement des navires, les équipages d’U-Boot devaient 
			avant toute action s’assurer de la nationalité et du chargement du 
			navire intercepté, les Alliés avaient conçu cette arme qu’était le 
			bateau-piège. Le mode opératoire était le suivant : le bateau-piège 
			loin de fuir le contact avec les U-Boote, au contraire, le 
			recherchait. Une fois le vapeur sommé de s’arrêter pour contrôle par 
			le sous-marin, il suffisait de laisser celui-ci se rapprocher 
			suffisamment du navire pour une fois à courte distance, démasquer 
			brutalement sa véritable nature et ouvrir le feu à bout portant avec 
			les pièces d’artillerie masquées. Bien entendu, le procédé était 
			bien rôdé ; à bord du vapeur on simulait une évacuation désordonnée 
			pour rendre encore plus crédible le caractère de paisible marchand 
			tandis qu’une équipe de canonniers cachés à bord s’apprêtait à 
			démasquer ses canons pour ouvrir le feu dès que le sous-marin serait 
			parvenu à la meilleure distance de tir. Plus d’une fois le piège a 
			fonctionné et plusieurs U-Boot ont ainsi été coulés. 
			Malheureusement, cette nouvelle escalade dans la lutte allait 
			rapidement entraîner une autre escalade du côté de l’adversaire et 
			désormais, de plus en plus souvent, les sous-marins pour échapper à 
			ce risque torpillaient sans avertissement. 
			
			Pas étonnant donc vu la mission 
			très particulière du Carrigan Head qu’il se soit montré très 
			évasif, ne tenant pas à l’évidence à dévoiler sa véritable nature, a 
			fortiori à un navire (Meuse) dont il ignorait tout ou 
			presque. 
			
			En mettant en perspective les 
			documents actuellement à notre disposition, on peut reconstituer le 
			film des évènements comme suit : 
			
			Tout d’abord il y a cet appel au 
			secours émanant d’un vapeur non identifié et qui selon l’opérateur 
			radio de Meuse qui l’a reçu, doit se situer à plusieurs 
			dizaines de milles de là. C’est vraisemblable mais faute d’avoir un 
			nom, il n’est pas possible de recouper cette information. On ne peut 
			cependant pas affirmer qu’il ne provient pas du Carrigan 
			Head ; ce message de détresse étant dans ce cas destiné à 
			conforter le sous-marin dans son idée qu’il a affaire à un 
			inoffensif vapeur marchand. Mais commençons par le moment où le 
			Carrigan Head est repéré par le sous-marin. Le Commandant 
			Edeling écrit dans son journal d’opération (KTB) : 
			
			  
			In 130° Dampfer in 
			Sicht mit ungefähr 270° Kurs 
			Getaucht, 
			Bugangriff angesetzt. Schwarzer Dampfer mit weißen Brückenaufbau und 
			roten Schornstein mit schwärrer Kappe, 2 Masten, ungefähr 6000 t. 
			Steuert Zickzackkurse… 
			
			          
			
			Un vapeur est repéré dans 
			l’azimut 130 alors qu’il fait route à un cap moyen de 270°
			
			en suivant une route en zigzag dans le 
			but de rendre plus difficile le tir d’une torpille. L’U 48 plonge et 
			fait route en direction de ce navire tout en l’observant au 
			périscope. Edeling remarque qu’il s’agit d’un vapeur d’environ 6000 
			tonnes à coque noire avec des superstructures blanches, deux mâts et 
			une cheminée rouge. Prudent, il examine attentivement ce navire, 
			cherchant à y déceler d’éventuels signes d’un bateau-piège. Après 
			les pertes subies dans ce genre d’attaque, les Allemands sont 
			méfiants. 
			  
			Da keine Armierung 
			zu erkennen, außerdem Kurs des Dampfers auslaufend und Wetter für 
			Artilleriegefecht und Verfolgung günstig, aufgetaucht… 
			
			 L’examen visuel est en apparence 
			concluant, ce vapeur n’a pas l’air d’être armé. Le temps est beau et 
			se prète à une attaque au canon. U 48 s’éloigne et fait surface à 
			une distance d’environ 8000 mètres. Les servants de l’artillerie se 
			rendent à leur poste de combat et un tir de semonce est effectué en 
			direction du vapeur. 
			
			Celui-ci ne répond pas. 
			Graduellement, U 48 se rapproche pour renouveler son tir de semonce 
			quand soudain alors que la distance est tombée à 7500 m., le vapeur 
			dévoile sa véritable nature et ouvre aussitôt un feu nourri sur le 
			sous-marin.  
			
			Dampfer eröffnet plötzlich Feuer aus 2 leichten und einen schweren 
			Geschütz / Anscheinend 2-7 cm und 1-10 oder 12 cm)… 
			
			 Edeling constate d’après les gerbes 
			faites par les obus que le vapeur tire avec 2 pièces d’un calibre 
			d’environ 70mm et une plus grosse de 100 à 120mm. Aucun doute n’est 
			plus permis, avec un tel armement, il s’agit d’un bateau-piège. Le
			Carrigan Head intensifie son feu et les salves suivantes se 
			font plus précises encadrant dangereusement le sous-marin. Le combat 
			est inégal, U 48 vire de bord rapidement et s’éloigne. 
			
			 In der Nähe des 
			aufgegebenen Dampfers ein anderer einlaufender Dampfer in Sicht... 
			
			 Dans les parages du Q-Ship, un 
			second vapeur est à présent en vue. Cette fois c’est de Meuse 
			dont il s’agit. Apparemment, remarque-t-il, ce vapeur est en 
			relation avec le premier et lui aussi tire. Les deux navires suivent 
			une route en zigzag vers l’ouest puis le second vire de bord vers le 
			Nord sans doute pour s’échapper à la faveur de la nuit tombante. 
			Celui-ci étant le premier à sa portée, Edeling le prend en chasse et 
			maintient le contact à distance… 
			
			 Ich muß mich also mit den einen, der mir kaum noch entgehen kann, 
			begnügen… 
			
			 La chasse est alors engagée et 
			comme nous l’avons vu précédemment, le destin de Meuse est 
			désormais scellé. U 48 va passer sur son avant à la faveur de 
			l’obscurité et se placer en bonne position pour lancer une torpille… 
			
			 Faute d’avoir eu à ce stade accès 
			aux archives anglaises, il n’est pas possible de situer plus 
			précisément l’action du Carrigan Head mais la seule 
			connaissance des éléments disponibles côté français comme côté 
			allemand permet de reconstituer avec précision ce que furent les 
			dernière heures de Meuse. 
			
			  Pour l'anecdote, il est 
			curieux de constater que le cap de Carrigan Head, nom porté par le 
			Q-Ship de cette affaire se situe à quelques milles de l’endroit où le canot des 
			rescapés a fait terre dans le Comté de Donegal 
			
			   
			
			  
			  
			     Le sous-marin U 48 
			  
			
			Classe Mittel U – Sous-type U 43 
			   
			
			 
			  
				
					
						| 
						
						Déplacement (tonnes 
						sf/sm)  725 / 940 
						
						Longueur  65m (ht) – 
						52m50 (ce) 
						
						Largeur  6m20 – 4m20 
						(ce) 
						
						Hauteur 8m70 
						
						Tirant d’eau 3m75 
						
						Profondeur certifiée  
						50 m. | 
						
						Propulsion : 
						
						2 Diesels   2400 CV 
						
						2 Electriques  1200 CV 
						
						Autonomie : 
						
						Surface  9400 nm à 8 
						nds 
						
						Plongée  55 nm à 5 nds 
						
						Vitesse max. (noeuds 
						sf/sm) 16.4 / 9.7 |  
						| 
						
						Armement 
						 
						
						6 TLT - 4AV, 2AR (6 
						torpilles) 
						
						A l’origine 1 canon 88 
						mm armé à 276 coups puis par la suite 1 x 105mm et 1 x 
						88mm | 
						
						  
						
						Equipage 
						4 off. 32 homme |  
			
			sf/sm = surface / plongée  -  ht= 
			hors tout  -  ce = coque épaisse 
			  
			
			
			  
			       
			
			 La fin de l’U 48 
			
			  
			
			U 48 avait appareillé d’Emden le 22 
			Novembre 1917 pour une patrouille au large de l’entrée occidentale 
			de la Manche. Quand il pénétra dans le Pas de Calais, le 
			Kapitänleutnant Edeling décida d’attendre que la lune soit couchée 
			pour traverser le barrage de mines Douvres-Dunkerque en surface. 
			Pendant cette attente, le fort courant de marée dépala le sous-marin 
			en direction de l’ouest du banc de Goodwin Sands et à 4 h 30 du 
			matin, à marée haute, U 48 s’échouait à environ 2 milles dans l’ENE 
			du bateau-feu de Gull. A l’aube, il était repéré par une patrouille 
			britannique. 
			
			Plusieurs chalutiers armés conduits 
			par le destroyer HMS Gypsy  ouvraient alors un feu nourri sur 
			lui auquel le sous-marin ripostait mais sa résistance était vaine. 
			Le Commandant Edeling ordonna alors de saborder le bateau en faisant 
			détoner des explosifs dans le compartiment torpilles avant et 
			arrière après évacuation de son équipage. Le feu anglais se 
			poursuivit pendant cette évacuation, tuant Edeling et 18 de ses 
			hommes. 
			
			  
			
			Rapport de l’Oberleutnant zur See 
			Erhard-Friedrich Maertens, Officier en Second de l’U 48 
			
			Nous nous sommes échoués à marée 
			haute sur Goodwind Sands et peu après, la mer commença à descendre. 
			Nous avons essayé d’alléger le bateau en jetant les munitions à la 
			mer et en chassant aux ballasts mais cette tentative échoua. 
			
			A l’aube, nous apercevions 
			plusieurs chalutiers armés accompagnés par un destroyer d’un modèle 
			ancien. U 48 ouvrait le feu avec la canon avant de 105mm tandis que 
			l’on se préparait à saborder le sous-marin. Malgré la faible 
			distance et la stabilité du sous-marin échoué, notre tir n’était pas 
			précis et nous recevions alors plusieurs coups au but. Le canon se 
			trouva détruit, le commandant et le chef de pièce tués, les servants 
			gravement blessés. 
			
			J’avais pour mission de préparer 
			les charges de sabordage. Je fis relier ensemble la tête de 4 
			torpilles à l’avant, de 3 autres à l’arrière et placer des explosifs 
			dans le poste central. Après que le canon avant ait été touché, 
			l’équipage commença à se jeter à l’eau et j’amorçai les charges 
			explosives. Quand l’équipage a commencé à évacuer, les Anglais ont 
			cessé le feu un moment puis l’ont repris avec des mitrailleuses et 
			des fusils contre les hommes à la mer. C’est à ce moment là qu’il y 
			a eu le plus de victimes. Quand le feu a cessé nous avons été faits 
			prisonniers, nous n’étions plus que 17. 
			
			  
			
			
			         
			Kapitänleutnant Karl Edeling 
			
			(voir sa fiche)   |